Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/155

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Il faut payer par la tristesse, par la désolation, l’orgueil d’avoir pensé.

D’ailleurs, Racine était chrétien. Les jansénistes l’avaient nourri. Maintenant que sa jeunesse était passée, emportant les belles apparences qui flottent au seuil de la vie, les désirs et leurs images décevantes, les voluptés neuves, il se sentit seul, enveloppé par un Dieu terrible, et la peur, la peur salutaire le prit. N’avait-il pas donné à la dernière de ses créations profanes, à sa Phèdre, tous les troubles, tous les désespoirs d’une âme chrétienne à qui la grâce a manqué ?

Le poète voulut se faire chartreux. 11 disait comme Rancé : « Je ne vois point d’autre porte à laquelle je puisse frapper pour retourner à Dieu que celle du cloître ; je n’ai d’autre ressource, après tant de désordre, que de me revêtir d’un sac et d’un cilice en repassant mes jours dans l’amertume de mon cœur. » Son confesseur le détourna de cette résolution et lui conseilla de faire un mariage chrétien. Racine épousa, le i" juin 1677, en l’église Saint-Séverin, M11" Catherine de Romanet, fille de Jean-André de Romanet, maïeur de Montdidier et trésorier de France. Boileau et Nicolas Vitart furent les témoins du mari. M11" de Romanet n’avait pas lu les tragédies de Racine ; c’était une personne d’une humeur douce et d’un esprit égal.

Puisque Racine, tout en réformant sa vie, n’imitait point Mm" de Longueville et Rancé dans leur pénitence et ne mourait pas au monde, il était naturel, si l’on y songe, qu’il restât à la cour et qu’il s’atta’chât