Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/156

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au roi plus encore qu’il n’avait fait jusque-là. Le roi était très chrétien ; servir le roi, c’était encore servir Dieu. Faire sa cour, c’était une façon d’être dévot. Les louanges du roi n’étaient pas des louanges profanes. Bossuet les proclamait assez haut dans le lieu saint, ne craignant point d’unir les noms de David et de Louis comme ceux de deux figures sensibles du Roi des Cieux. Quand Racine, à la fin de l’année 1677, fut, avec Boileau, nommé, par la faveur de Mme de Montespan, historiographe du roi, il crut sans doute avoir à montrer la conduite de la Providence dans les actions du roi et à raconter les victoires que Dieu avait remportées par le bras de Louis.

Ce n’est pas que le poète à la cour ne fût plus d’une fois embarrassé par des soins qui n’étaient pas ceux de son salut. Cet art inné de prendre aisément le ton de toutes les compagnies, le don de plaire, une souplesse délicate, une aptitude à toutes choses, faisaient de ce tendre janséniste un homme utile et l’engageaient dans mille intrigues, plus avant qu’il n’aurait voulu. « Il était de mise partout, jusqu’au chevet du lit du roi ; la duchesse de Bourgogne était ravie de l’avoir à sa table*. » Il plaisait à M"" de Montespan. Il lui fallut continuer de plaire, entreprendre un opéra qu’il n’eut point le courage d’achever ; il lui fallut orner de madrigaux les œuvres diverses du duc du Maine, âgé de sept ans ; il lui fallut faire des jaloux, avoir encore et partout et toujours des ennemis.

Les fonctions d’historiographe le forçaient à suivre

1. Mémoires inédits de Spanheim, cités par M. Paul Mesnard.