Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/157

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le roi dans ses campagnes. Il fit la promenade de Gand en 1678, le voyage d’Alsace en 1687 ; il assista aux sièges de Mons et de Namur et enfin à la campagne des Pays-Bas. Il écrivait à Boileau, du camp devant Mons, le 21 mai 1692, après une revue des armées du roi et de M. de Luxembourg : « Je me lais-sois conduire à mon cheval sans plus avoir d’attention à rien, et j’eusse voulu de tout mon cœur que tous les gens que je voyois eussent été chacun dans leur chaumière ou dans leur maison, avec leurs femmes et leurs enfants, et moi dans ma rue des Maçons, avec ma famille. »

Racine eut de la bonne Catherine de Romanetsept enfants : deux garçons et cinq filles. L’aîné de tous, Jean-Baptiste, fut de bonne heure un petit homme tout à fait raisonnable. Mais le poète eut en sa fille aînée une chère image de lui-même. Marie-Catherine avait l’âme inquiète et tendre. La douce austérité de la maison paternelle, la religion qu’on lui enseignait, mêlée d’amour et de terreur, firent naître en elle le désir du cloître et de ses extases. Elle entra à seize ans aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques. Le père en fut affligé, malgré sa piété. Elle fut gravement malade dans sa cellule ; elle revint au foyer, mais pour y méditer sa retraite à Port-Royal, où elle entra en effet ; elle n’y pouvait rester. Les solitaires ne permettaient plus à personne de prendre l’habit. Elle écrivait à son père des lettres qui le troublaient et le déchiraient. Enfin elle reparut sous le toit paternel, affaiblie par les austérités, résolue à ne point remettre ses habits du monde et à ne voir personne. Mais peu