Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/162

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délicates de la communauté, écrivait pour les religieuses et conférait avec l’archevêque* de Paris.

Cet attachement à des hommes que le roi considérait comme des esprits superbes et comme des rebelles ne pouvait être bien vu à la cour ; M™* de Mainte-non ne pouvait garder un appui fidèle à un janséniste. Il est vrai que Boileau, qui ne cachait rien, ne cachait pas son respect pour les solitaires. Ce grand honnête homme ne pouvait déplaire par des façons droites et franches, puisque c’était ces façons mêmes qu’on attendait de lui, qu’on aimait en lui. Mais la moindre indépendance dans la conduite ou dans les paroles surprend et irrite comme une trahison quand elle part d’un esprit qui avait jusque-là trouvé constamment des ressources pour être agréable.

Racine avait donné à Louis XIV un autre sujet de mécontentement : celui-là, resté longtemps dans l’ombre, comme un secret d’État, ne nous est connu que par une tradition de famille. Racine avait fait, à la demande de Mmc de Maintenon qui le savait apte à toutes choses, un mémoire sur la misère du peuple que les guerres avaient causée. Elle le lisait lorsque le roi entra chez elle, le prit, en parcourut quelques lignes et demanda qui en était l’auteur. Elle répondit d’abord qu’elle avait promis le secret, mais Louis XIV avait l’habitude de se faire obéir, même des femmes qu’il aimait. Quand il sut que c’était Racine qui avait écrit le mémoire : « Croit-il tout savoir, dit-il avec colère, et parce qu’il est grand poète veut-il être ministre ? »

Le coupable fut averti de ne pas se montrer pen-