Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/251

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psychologiques à ravir les amateurs. Il est très simple et très sévère à lui-même : c’est pourquoi nous sommes tentés de lui être indulgents. Oui, sans doute, Adolphe fut une âme sans force, avide à saisir le bonheur, inhabile à le retenir. Ardent et stérile, les images à peine apparues se flétrissaient en lui. L’obstacle l’exaltait, irritait son désir ; le succès ne lui laissait plus que lassitude et dégoût. Du moins fut-il toujours sa première victime et n’eut-il jamais ni la cruauté froide du libertin ni l’inconscience plus cruelle encore de l’amant que son rêve a quitté. Il est tout plein d’angoisse, tout bourrelé de remords, et la douleur de celle qu’il n’aime plus retentit en lui et le torture.

Répétons-le encore : cet amoureux au cœur sec, ce malheureux prisonnier d’un amour éteint, nous apparaît comme le martyr de la compassion et de la patience, et toute notre pitié va à lui et non à la tyrannique personne qui l’enserre et l’opprime.

« Les sentiments de l’homme sont confus et mélangés ; ils se composent d’une multitude d’observations variées qui échappent à l’analyse, et la parole toujours trop grossière et trop générale peut bien servir à les désigner, mais ne sert jamais à les définir. » C’est ainsi que s’exprime Adolphe, et certes nulle âme mieux que la sienne ne semble, dans sa mobilité et sa confusion, faite pour déconcerter l’observateur. Tout y paraît fuyant, passager et contradictoire. La passion y éclate, et tout à côté le calcul s’y montre. Aprè% avoir écrit : « Malheur à l’homme qui dans les premiers moments d’une liai-