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Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/26

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ni des saints ni du purgatoire, preuve qu’elle ne croyait ni à celui-ci ni à ceux-là. Guillaume Petit, évêque de Senlis, se présenta comme avocat de Marguerite, qui fut acquittée au nez de l’orthodoxe syndic. Ledit Béda incita le principal du collège de Navarre à faire jouer par ses écoliers une moralité dans laquelle une femme quittait sa quenouille pour recevoir des mains d’une furie un livre abominable, un évangile traduit en français. Béda déployait en cela trop de zèle. François Ier le lui fit bien voir en l’envoyant au mont Saint-Michel, où il mourut. Le roi était souvent entrepris au sujet de sa sœur. Un jour, Anne de Montmorency, celui-là même que Marguerite appelait son fils, discourant avec François Ier sur les progrès de l’hérésie, « ne fit difficulté ny scrupule de luy dire que, s’il vouloit bien exterminer les hérétiques de son royaulme, il falloît commencer à sa cour et à ses plus proches, lui nommant la reyne sa soeur. À quoy le roy répondit :

— Ne parlons pas de celle-là, elle m’ayme trop, elle ne croira jamais que ce que je croiray et ne prendra jamais de religion qui préjudicie à mon estat[1]. »

Son mari, qui était homme de cœur, mais rude et brutal, la tourmentait pour son attachement aux réformés. Un jour que l’on faisait le prêche dans la chambre de la reine, « il y entra, résolu de chastier le ministre, et, trouvant que l’on l’avoit fait sauver, les ruines de sa colère tombèrent sur sa femme, qui en reçut un

  1. Brantôme.