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Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/291

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Sa biographie est un morceau traité avec beaucoup d’art. Nous sommes tentés aujourd’hui de sourire au récit de ses malheurs, bien plus imaginaires encore que lui-même. Nous sommes, nous autres, moins troublés, et nous ne compliquons plus ainsi la vie. Cet étudiant en médecine, interne d’hôpital qui, protégé par de vieux savants, s’aperçoit qu’il est exploité et tombe dans une sombre et hautaine mélancolie, nous paraît peu sensé.

« A peine eut-il accepté la charge d’une fonction subalterne et se fut-il placé, à l’égard de ses protecteurs, dans une position dépendante, qu’il ne tarda pas à pénétrer les motifs d’une bienveillance trop attentive pour être désintéressée. Il avait compté être protégé, mais non exploité par eux. Son caractère noble se révolta à cette dernière idée… Ces trois ou quatre mois furent sa ruine. »

Le cas de ce Werther carabin est remarquable, mais est-il inventé à plaisir ? Non, certes ; et, depuis le pauvre grand Rousseau, la folie des persécutions ravageait le cerveau des plébéiens d’élite. Ce trait de la vie de Delorme est bien choisi et le rattache à Jean-Jacques.

Il aime, bien entendu, à sa façon, qui n’est ni la plus simple ni la plus pratique ; il est aimé, la mère l’agrée, la jeune fille l’attend et soupire. Mais il est trop de son temps pour se contenter d’un bonheur vulgaire. Il se taira, il restera seul. « J’ai comme un signe au front, » s’écrie-t-il.

Cela même ne semblait pas outré. L’air et les bottes de Werther étaient alors de mise à la Chaumière. J’en-