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sont très vieux. C’est pourquoi ils s’égaient à conter de jeunes amours. N’ayant plus ni chair ni sang, ils se réchauffent en imaginant les feux de la puberté naissante.

L’homme très ingénieux qui composa le diégèmate de Daphnis et Chloé fut certes de ceux-là. Mais le groupe des diégèmatistes n’est pas resserré dans une courte période. Il se forme dès le temps d’Hadrien et s’enfonce très avant dans la sombre époque chrétienne. On ne sait rien du diégèmatiste qui laissa le chef-d’œuvre du genre. Le plus ancien manuscrit de son livre, celui qui passa du mont Cassin à la bibliothèque de Florence, ne le nomme pas. Un autre manuscrit le nomme Λογγος (Longos). Le nom a paru peu grec. Schœll veut que ce Λογγος soit pour Λόγοι (discours). Mais on ne s’explique pas bien cette mauvaise transcription. MM. Frédéric Jacobs et Picolos la croient inadmissible. Au reste, il y eut de ces noms barbares quand l’hellénisme fut noyé dans l’Empire. On rencontre, dans l’Anthologie de Planude, des Roupphinos et des Kaios qui parlent la langue des Théo-crite et des Simonide. Mais ce Longus enfin (puisqu’il y a un Longus), en quel temps vécut-il ? On ne sait. Et Suidas, qui nomme de très petits diégèmatistes, ne semble pas connaître l’auteur de Daphnis et Chloé. Certains hellénistes, par égard pour sa grécité affectée, mais pure, ne veulent pas le faire descendre dans l’Empire plus bas que le IIIe siècle. D’autres le relèguent dans la barbarie du règne de Théodose. Je serais tenté de voir en lui un Byzantin des plus rares. Si l’on songe que quelques odes anacréontiques, non