Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jours agréables à voir. Les contestations de bergers, leurs luttes harmonieuses quand ils se querellent par un chant alterné, remplissent la poésie bucolique depuis les premiers alexandrins. Un poème de ce genre, mis en prose, est tout entier inséré dans le premier livre de notre pastorale : « Et un jour Daphnis prit querelle avec Dorcon. Ils contestaient de leur beauté devant Chloé, qui les jugea, et un baiser de Chloé fut le prix destiné au vainqueur. » On raffine ici. Au temps du Sicilien, le prix était une coupe, une syrinx, un agneau. Daphnis et Dorcon chantent, et leur chant alterné est, pour ainsi dire, une petite anthologie où les fleurs du genre sont assemblées. Il en est de prises à Virgile, ou, du moins, au grec que Virgile imita. Alba ligustra cadunt.

Ailleurs, dans une scène de vendange, le bonhomme Philetas ne paraît que pour conter avec une grâce divine qu’il a vu un enfant ailé dans son jardin. Et ce qu’il conte est tout à fait dans le goût de l’Amour mouillé d’Anacréon.

Et, puisque nous parlons des odes anacréontiques, qu’on se rappelle l’ode XX, sur une jeune fille :

… Que je devienne miroir, afin que tu me regardes !

Que je sois ta tunique, ô jeune fille, afin que tu me portes !

Que je sois une eau pure, afin de laver ton-corps ; une essence, pour te parfumer ; une écharpe, pour ton sein ; un collier de perles, pour ton cou ; une sandale, pour que tu me foules de ton pied[1].

  1. Traduction de Leconte de Lisle.