Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/62

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tenir notre langue saine et nette (il voulait parler des académiciens, gent jetonnière) y donneront ordre et que la punition du premier mauvais plaisant qui sera convaincu d’être un burlesque relaps, et, comme tel, condamné à travailler le reste de sa vie pour le Pont-Neuf, dissipera le fâcheux orage qui menace l’empire d’Apollon. » Il était bien bon de se confondre ainsi avec ses plats imitateurs. Son Virgile travesti est fort plaisant. Balzac l’admirait comme un modèle de franc badinage. Et si Boileau, jeune et déjà austère, censurait aigrement ce comique qui consiste à confondre les temps et à donner aux dieux et aux héros antiques les mœurs du port Saint-Nicolas et de la halle aux poissons, il avouait en secret que le début de ce Virgile travesti est fort agréable. Le noble Racine, qui sentait si bien l’Énéide du Mantouan, lisait en secret celle du Parisien et en riait de tout son cœur. Mais le vrai, le durable talent de Scarron, était ailleurs. Il était dans son Roman comique et dans ses Nouvelles, dans sa prose. Le Roman comique, inspiré par cette troupe de comédiens qui donnèrent la comédie au Mans du temps que Scarron y vivait dans la maison canonicale, commença de paraître en 1651. Ce sont des aventures mêlées à une histoire d’amour. Le livre est inachevé et on ne saura jamais si Destin épouse l’Étoile, et Léandre, Angélique. Qu’importe ! C’est un roman plein de situations et de caractères, œuvre d’un homme gai et d’un homme bon, chose vraie, chose éternelle.

Quant aux Nouvelles tragi-comiques, imitées pour la plupart de l’espagnol, elles appartiennent à Scarron