Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/63

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par le tour et la langue. Molière fut bien avisé de puiser dans la valise du bouffon. Il fit quelques emprunts heureux dans son Tartuffe à une nouvelle intitulée les Hypocrites, et dans son Avare à une nouvelle intitulée les Châtiments de l’Avarice. Ces deux morceaux, sortis d’une maîtresse plume, sont d’une franchise et d’une fermeté singulières. La prose de Scarron est une excellente prose, pleine, drue, d’une belle venue et d’une franche allure.

Les contemporains sentaient confusément tout cela, et une rumeur de gloire en montait vers le pauvre infirme. Cependant il restait indigent et besogneux. Souvent les créanciers heurtaient rudement le marteau de sa porte ferrée et faisaient tapage dans la rue. Le poète fut bloqué certain jour par ces gens de mauvais visage. Trois mille francs, que Fouquet envoya par l’entremise de Pellisson, vinrent à propos pour délivrer la place assiégée.

Mme Scarron était en faveur auprès de MmB la surintendante ; elle obtint de Fouquet, pour son mari, le droit d’organiser une compagnie de déchargeurs aux barrières. Les rouliers se seraient, sans doute, fort bien passés des déchargeurs qui les rançonnaient, mais le chétif poète qui dirigeait ces solides gaillards se faisait, par leur moyen, un revenu de deux ou trois mille livres. Il lui restait une autre ressource. Obligé, par son mariage, de résigner sa prébende du Mans, il en tirait encore mille écus, l’ayant passée à son compère Girault, valet de chambre de Ménage.

Il souffrait plus cruellement que jamais. Il doublait, il triplait la dose d’opium, et ne dormait plus. Ne dor-