Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ces actes eût perdu à jamais la joie et le repos ; mais les raisons de Fontanet ne me suffisaient pas et j’en cherchais d’autres.

Il était difficile, à vrai dire, de chercher quelque chose dans la classe de mademoiselle Lefort, à cause du tumulte qui y régnait sans cesse. Les élèves s’y livraient de grands combats devant mademoiselle Lefort, visible, mais absente. Nous nous jetions les uns aux autres tant de catéchismes et de croûtes de pain, que l’air en était obscurci et qu’un crépitement continu remplissait la salle. Seuls, les plus jeunes enfants, les pieds dans les mains et la langue tirée hors la bouche, regardaient le plafond avec un sourire pacifique.

Soudain mademoiselle Lefort, entrant dans la mêlée d’un air de somnambule, punissait quelque innocent ; puis elle rentrait dans sa tristesse comme dans une tour. Faites réflexion, je vous prie, à l’état d’esprit d’un petit garçon de huit ans qui, au milieu de cette agitation incompréhensible, écrit depuis six semaines sur une ardoise :

La faim mit au tombeau Malfilâtre ignoré.