père : il ne détaillait pas les traits de madame Gance. Et, quel qu’en fût le détail, l’ensemble en était charmant. N’en croyez point maman ; je vous assure que madame Gance était belle. Madame Gance m’attirait : la beauté est une douce chose ; madame Gance me faisait peur : la beauté est une chose terrible.
Un soir que mon père recevait quelques personnes, madame Gance entra dans le salon avec un air de bonté qui m’encouragea un peu. Elle prenait quelquefois, au milieu des hommes, l’air d’une promeneuse qui jette à manger aux petits oiseaux. Puis, tout à coup, elle affectait une attitude hautaine ; son visage se glaçait et elle agitait son éventail avec une lenteur maussade. Je ne m’expliquais pas cela. Je me l’explique aujourd’hui parfaitement : Mme Gance était coquette, voilà tout.
Je vous disais donc qu’en entrant dans le salon, ce soir-là, elle jeta à tout le monde et même au plus humble, qui était moi, quelque miette de son sourire. Je ne la quittai point du regard et je crus surprendre dans ses beaux yeux une expression de tristesse ; j’en fus bouleversé. C’est que, voyez-vous, j’étais une