Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/62

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— Oh ! maman, je me rappelle parfaitement.

— Eh bien ! pendant ce voyage, son moricaud prit là-bas dans les Îles d’horribles habitudes : il s’enivrait dans les cabarets de matelots avec des créatures. Il reçut un coup de couteau. Au premier avis qu’elle en eut, Marcelle s’embarqua. Elle soigna son mari avec cette ardeur superbe qu’elle mettait à tout. Mais il eut un vomissement de sang et mourut.

— Marcelle n’est-elle pas revenue en France ? Maman, pourquoi n’ai-je pas revu ma marraine ?

À cette question, ma mère répondit avec embarras :

— Étant veuve, elle connut à Rio-de-Janeiro des officiers de marine qui lui firent grand tort. Il ne faut pas penser du mal de Marcelle, mon enfant. C’est une femme à part, qui n’agissait pas comme les autres. Mais il devenait difficile de la recevoir.

— Maman, je ne pense pas du mal de Marcelle ; dites-moi seulement ce qu’elle est devenue.

— Mon fils, un lieutenant de vaisseau, l’aima, ce qui était bien naturel, et la compromit,