Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/88

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main pour ouvrir la porte de la chambre, je voulus lui arrêter le bras… Nous entrâmes.

Une religieuse assise dans un fauteuil se leva et nous fit place au chevet du lit. Ma grand’mère était là, couchée, les yeux clos.

Il me semblait que sa tête était devenue lourde, lourde comme une pierre, tant elle creusait l’oreiller ! Avec quelle netteté je la vis ! Un bonnet blanc lui cachait les cheveux ; elle paraissait moins vieille qu’à l’ordinaire, bien que décolorée.

Oh ! qu’elle n’avait pas l’air de dormir ! Mais d’où lui venait ce petit sourire narquois et obstiné qui faisait tant de peine à voir ?

Il me sembla que les paupières palpitaient un peu, sans doute parce qu’elles étaient exposées à la clarté tremblante des deux cierges allumés sur la table, à côté d’une assiette où un rameau de buis trempait dans l’eau bénite.

— Embrasse ta grand’mère, me dit maman.

J’avançai mes lèvres. L’espèce de froid que je sentis n’a pas de nom et n’en aura jamais.

Je baissai les yeux et j’entendis ma mère qui sanglotait.