Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/11

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Debout, au fond du salon, des jeunes gens de club, très graves, zézayaient entre eux :

— Qu’est-ce qu’il a fait pour obtenir le bouton aux chasses du prince ?

— Lui, rien. Sa femme, tout.

Ils avaient leur philosophie. L’un d’eux ne croyait pas aux promesses des hommes :

— Encore des types qui ne me vont pas du tout : le cœur sur la main et sur la bouche. « Vous vous présentez au cercle ? Je vous promets de vous donner une boule blanche… » Si elle sera blanche ? Un globe d’albâtre ! Une bille de neige ! On vote : Crac ! Une truffe ! La vie est une sale chose, quand j’y pense.

— Alors n’y pense pas, dit un troisième.

Daniel Salomon, qui s’était joint à eux, leur soufflait à l’oreille, de sa voix chaste, des secrets d’alcôve. Et à chaque révélation étrange sur madame Raymond, sur madame Berthier d’Eyzelles et sur la princesse Seniavine, il ajoutait négligemment :

— Tout le monde le sait.

Puis, peu à peu, la foule des visiteurs s’écoula. Il ne restait plus que madame Marmet et Paul Vence.

Celui-ci s’approcha de la comtesse Martin et lui demanda :

— Quand voulez-vous que je vous présente Dechartre ?