Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle n’osa plus songer à l’avenir. Elle vivait dans l’heure présente ; heureuse, inquiète et fermant les yeux.

Elle rêvait ainsi, dans l’ombre traversée de flèches de lumière, quand Pauline lui apporta des lettres avec le thé du matin. Sur une enveloppe marquée au chiffre du cercle de la rue Royale, elle reconnut l’écriture rapide et simple de Le Ménil. Elle s’attendait à recevoir cette lettre, surprise seulement que ce qui devait arriver arrivât en effet, comme dans son enfance, lorsque la pendule infaillible sonnait l’heure de la leçon de piano.

Dans sa lettre, Robert lui faisait des reproches raisonnables. Pourquoi être partie sans rien dire, sans laisser un mot d’adieu ? Depuis son retour à Paris, il attendait chaque matin une lettre qui n’était pas venue. Il était plus heureux l’année précédente, quand il trouvait à son réveil, deux ou trois fois par semaine, des lettres si gentilles et si bien tournées, qu’il regrettait de ne pouvoir faire imprimer. Inquiet, il avait couru chez elle.

« J’ai été ahuri d’apprendre votre départ. Votre mari m’a reçu. Il m’a dit que, cédant à ses conseils, vous étiez allée finir l’hiver à Florence, auprès de miss Bell. Depuis quelque temps il vous trouvait pâle, maigrie. Il avait