Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/256

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tête sur l’oreiller, les cheveux épars, avec une douceur de convalescente.

Il lui demanda d’où lui venait cette petite marque rouge sur la tempe. Elle répondit qu’elle ne savait plus et que ce n’était rien. Elle mentait à peine et d’un cœur ouvert. Vraiment, elle ne savait plus.

Ils se rappelaient leur belle et courte histoire, toute leur vie, qui datait du jour où ils s’étaient rencontrés.

— Vous savez, sur la terrasse, le lendemain de votre arrivée. Vous me disiez des paroles vagues et sans suite. J’ai deviné que vous m’aimiez.

— J’avais peur de vous paraître stupide.

— Vous l’étiez un peu. C’était mon triomphe. Je commençais à m’impatienter de vous voir si peu troublé près de moi. Je vous ai aimé avant que vous m’aimiez. Oh ! je n’en rougis pas.

Il lui versa entre les dents une goutte d’asti mousseux. Mais il y avait sur le guéridon une bouteille de vin de Trasimène. Elle voulut y goûter, en souvenir de ce lac qu’elle avait vu désolé et beau, le soir, dans sa coupe ébréchée d’opale. C’était lors de son premier voyage en Italie. Il y avait de cela six ans.

Il la querella d’avoir découvert sans lui la beauté des choses.