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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/32

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Ils descendirent. Un froid sec avivait ce temps morne de janvier. Thérèse respira joyeusement sous sa voilette les souffles qui, traversant le fleuve, balayaient au ras du sol durci une poussière âcre et blanche comme du sel. Elle était contente d’aller libre parmi les choses inconnues. Elle aimait à voir ce paysage de pierres, qu’enveloppait la clarté faible et profonde de l’air ; à marcher vite et ferme, le long du quai où les arbres déployaient le tulle noir de leurs branches sur l’horizon roussi par les fumées de la ville ; à regarder, penchée sur le parapet, le bras étroit de la Seine roulant ses eaux tragiques ; à goûter cette tristesse du fleuve sans berges, et qui n’a là ni saules ni hêtres. Déjà, dans les hauteurs du ciel, les premières étoiles frissonnaient.

— On dirait, fit-elle, que le vent va les éteindre.

Il remarquait aussi qu’elles scintillaient beaucoup. Il ne pensait pas que ce fût signe de pluie comme le croyaient les paysans. Il avait au contraire observé que neuf fois sur dix la scintillation des étoiles annonçait le beau temps.

En approchant du Petit-Pont, ils trouvèrent à leur droite des échoppes de ferrailles, éclairées par des lampes fumeuses. Elle y courut, fouilla du regard la poussière et la rouille des étalages. Son instinct de chercheuse mis en éveil, elle tourna l’angle de la rue et s’aventura jusque vers