Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/33

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une baraque en appentis, dans laquelle, sous les solives humides du plancher, pendaient des loques sombres. Derrière les vitres sales une bougie éclairait des casseroles, des vases de porcelaine, une clarinette et une couronne de mariée.

Il ne comprenait pas le plaisir qu’elle prenait :

— Vous attraperez de la vermine. Qu’est-ce qui peut vous intéresser là-dedans ?

— Tout. Je songe à la pauvre mariée dont la couronne est là sous un globe. Le dîner de noces se fit à la porte Maillot. Il y avait un garde républicain dans le cortège. Il y en a dans presque toutes les noces qu’on voit au Bois, le samedi. Ils ne vous émeuvent pas, mon ami, tous ces pauvres êtres ridicules et misérables, qui entrent à leur tour dans la grandeur du passé ?

Parmi des tasses à fleurs, ébréchées et dépareillées, elle découvrit un petit couteau dont le manche d’ivoire figurait une femme plate et longue, coiffée à la Maintenon. Elle l’acheta pour quelques sous. Ce qui l’enchantait, c’est qu’elle avait la fourchette. Le Ménil avoua qu’il n’entendait rien aux bibelots. Mais sa tante de Lannoix était très connaisseuse. À Caen, les marchands d’antiquités ne parlaient que d’elle. Elle avait restauré et meublé son château dans le style. C’était l’ancienne maison des champs de Jean Le Ménil, conseiller au parlement de Rouen, en 1779. Cette