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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/320

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mais fuyante et qui glisses ; et, quand j’ouvre les bras, tu t’en es allée, et je te découvre loin, bien loin, sur la longue plage blonde, pas plus grande, dans ta robe rose et sous ton ombrelle, qu’un brin fleuri de bruyère. Oh ! toute petite, telle que je t’ai vue, un jour, du haut du Campanile, sur la place du Dôme, à Florence. Et je me dis comme je me disais ce jour-là : « Un brin d’herbe suffirait pour me la cacher tout entière, et elle est pour moi l’infini de la joie et de la douleur. »

Il se plaignait seulement des tourments de l’absence. Et encore mêlait-il à ses plaintes les sourires de l’amour heureux. Il la menaçait en plaisantant de l’aller surprendre à Dinard. « Ne crains rien. On ne me reconnaîtra pas. Je me déguiserai en marchand de plâtres. Ce ne sera pas mentir. Vêtu d’une blouse grise et d’un pantalon de coutil, la barbe et le visage couverts d’une poussière blanche, je sonnerai à la grille de la villa Montessuy. Tu me reconnaîtras, Thérèse, aux statuettes qui chargeront la planche posée sur ma tête. Toutes seront des amours. Il y aura l’Amour fidèle, l’Amour jaloux, l’Amour tendre, l’Amour vif ; il y aura beaucoup d’Amours vifs. Et je crierai dans la langue rude et sonore des artisans de Pise ou de Florence : Tutti gli Amori per la signora Teresina ! »

La dernière page de cette lettre était tendre et