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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/326

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— Mais, demanda la princesse Seniavine, est-ce que vous voyez quelquefois des choses intéressantes ? Moi, jamais.

Madame Raymond, qui avait pris dans les livres de son mari une vague teinte de philosophie, déclara que les choses n’étaient rien, et que l’idée était tout.

Sans regarder madame Berthier D’Eyzelles, assise à sa droite sur la deuxième banquette, la comtesse Martin murmura :

— Oh ! oui, les gens ne voient que leur idée ; ils ne suivent que leur idée. Ils vont, aveugles, sourds. On ne peut pas les arrêter.

— Mais, ma chère, dit le comte Martin placé devant elle, à côté de la princesse, sans idées conductrices, on irait au hasard… À propos, avez-vous lu, Montessuy, le discours prononcé par Loyer à l’inauguration de la statue de Cadet-Gassicourt ? Le début est remarquable. Loyer ne manque pas de sens politique.

La voiture, ayant traversé les prés bordés de saules, gravit une côte et s’avança sur un vaste plateau boisé. Longtemps elle longea le mur d’un parc. La route cheminait à perte de vue sous son ombre humide.

— C’est le Guerric ? Demanda la princesse Seniavine.

Tout à coup, entre deux piliers de pierre sur-