Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/344

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui tenait par la taille la princesse Seniavine. Très tranquilles, ils allaient vers le château. Jacques et Thérèse, rencoignés sous l’énorme terme, attendirent qu’ils fussent passés. Puis elle dit à Dechartre, qui la regardait en silence :

— C’est tout de même fort ! Je comprends maintenant pourquoi, cet hiver, la princesse Seniavine demandait conseil à papa pour acheter des chevaux.

Cependant Thérèse admirait son père d’avoir conquis cette belle femme, qui passait pour difficile et qu’on savait riche, malgré les embarras où la mettait son désordre fou. Elle demanda à Jacques s’il ne trouvait pas la princesse très belle. Il lui reconnaissait de l’allure, avec une saveur de chair trop forte à son gré. Elle était belle, sans doute. Mais il devinait sur ces formes de brune la médaille noire et les coulées de safran. Thérèse reprit que c’était possible et que, pourtant, le soir, la princesse Seniavine effaçait les autres femmes.

Elle mena Jacques aux escaliers moussus qui, montant derrière les grottes, conduisaient à la Gerbe-de-l’Oise, formée d’une touffe de roseaux de plomb, au milieu d’une vasque de marbre rose. Là s’élevaient les grands arbres qui fermaient la perspective du parc et commençaient les bois. Ils allèrent sous les hautes futaies. Ils se taisaient,