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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/352

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les républicains. Plus heureux, nous avons gouverné contre la Droite. La Droite, quelle bonne opposition c’était, menaçante, candide, impuissante, vaste, honnête, impopulaire ! Il fallait la garder. On n’a pas su. Et puis, disons-le, tout s’use. Cependant, il faut toujours gouverner contre quelque chose. Il n’y a plus aujourd’hui que les socialistes pour nous donner l’appui que la Droite nous a prêté quinze ans, avec une si constante générosité. Mais ils sont trop faibles. Il faudrait les renforcer, les grandir, en faire un parti politique. C’est, à l’heure qu’il est, le premier devoir d’un ministre de l’intérieur.

Garain, qui n’était pas cynique, ne répondit rien.

— Garain, vous ne savez pas encore, demanda le comte Martin, si, avec la présidence, vous prenez les Sceaux ou l’Intérieur ?

Garain répondit que sa décision dépendait du choix que ferait N***, dont la présence était nécessaire dans le cabinet et qui hésitait encore entre les deux portefeuilles. Lui, Garain, sacrifiait ses convenances personnelles aux intérêts supérieurs.

Le sénateur Loyer grimaça dans sa barbe. Il convoitait les Sceaux. Ce désir venait de loin. Répétiteur de droit sous l’Empire, il donnait, devant les tables des cafés, des leçons appré-