Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/405

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être. Mais il était trop tard ; et, d’ailleurs, elle ne cherchait pas à être habile.

Elle lui dit :

— Vous voyez. Je suis revenue, je n’ai pas pu faire autrement. Et puis, c’était tout naturel, puisque je t’aime. Et tu le sais.

Elle l’avait bien senti, que tout ce qu’elle pourrait dire ne ferait que l’irriter. Il lui demanda si elle en disait autant rue Spontini.

Elle le regarda avec une tristesse profonde :

— Jacques, vous me l’avez dit plusieurs fois, que vous me gardiez un fonds de haine et de colère. Vous aimez à me faire souffrir. Je le vois bien.

Avec une ardente patience, longuement, elle lui redit sa vie entière, le peu qu’elle y avait mis, les tristesses du passé, et comment, depuis qu’il l’avait prise, elle ne vivait que par lui, en lui.

Les paroles coulaient limpides comme son regard. Elle s’était assise près de lui. Elle l’effleurait par moment de ses doigts devenus timides et de son souffle trop chaud. Il l’écoutait avec une avidité mauvaise. Cruel envers lui-même, il voulut tout savoir : les derniers rendez-vous avec l’autre, la rupture. Elle lui rapporta fidèlement ce qui s’était passé à l’hôtel d’Angleterre ; mais elle transporta la scène dehors, dans une