Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/406

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allée des Casiene, de peur que l’image de leur triste entretien dans une chambre close n’irritât encore son ami. Puis elle expliqua le rendez-vous à la gare. Elle n’avait pas voulu désespérer un homme violent et qui souffrait. Depuis, elle n’avait pas eu de nouvelles de lui, jusqu’au jour où il lui avait parlé avenue Mac-Mahon. Elle répéta ce qu’il avait dit sous l’arbre de Judée. Le surlendemain, elle l’avait vu à l’Opéra, dans sa loge. Certes, elle ne l’avait pas encouragé à venir. C’était la vérité.

C’était la vérité. Mais le poison ancien, lentement amassé en lui, le brûlait. Le passé, l’irréparable passé, elle le lui rendait présent par ses aveux. Il en voyait des images qui le torturaient.

Il lui dit :

— Je ne vous crois pas.

Et il ajouta :

— Et, si je vous croyais, je ne pourrais plus vous revoir, à la seule idée que vous avez été à cet homme. Je vous l’ai dit, je vous l’ai écrit, — vous vous rappelez, à Dinard. — Je ne voulais pas que ce fût celui-là. Et depuis…

Il s’arrêta. Elle dit :

— Vous savez bien que, depuis, il n’y a rien eu.

Il reprit avec une sourde violence :

— Depuis, je l’ai vu.