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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/408

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Il s’entêta méchamment à la faire souffrir. Il se sentait odieux et ne pouvait s’arrêter.

— C’est possible, après tout, que, moi aussi, vous m’ayez aimé.

Elle, avec une douce amertume :

— Mais je n’ai aimé que vous. Je vous ai trop aimé. Et c’est de cela que vous me punissez… Oh ! vous pouvez penser que j’étais avec un autre ce que j’ai été avec vous !

— Pourquoi pas ?

Elle le regarda sans force, sans courage :

— C’est vrai, que vous ne me croyez pas, dites ?

Elle ajouta très doucement :

— Si je me tuais, me croiriez-vous ?

— Non, je ne vous croirais pas.

Elle s’essuya les joues avec son mouchoir ; puis, levant ses yeux qui brillaient à travers ses larmes :

— Alors, c’est fini !

Elle se leva, revit dans la chambre les mille choses avec lesquelles elle avait vécu dans une intimité riante et voluptueuse, qu’elle faisait siennes, et qui tout à coup ne lui étaient plus de rien, et qui la regardaient comme une étrangère et comme une ennemie : elle revit la femme nue, qui faisait en courant le geste qu’on ne lui avait pas expliqué ; les médailles florentines, qui