Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sément de la gêne, presque de la crainte, à paraître avec elle dans une église. Il affirma que c’était fermé. Il le croyait, le voulait. Elle poussa le tambour et se glissa dans la nef immense où les arbres inanimés des colonnes montaient vers les hautes ténèbres. Au fond, marchaient des cierges devant des fantômes de prêtres, sous les derniers gémissements des orgues qui se turent. Elle frissonna dans le silence, et dit :

— La tristesse des églises, la nuit, m’émeut ; j’y sens la grandeur du néant.

Il répondit :

— Nous devons pourtant croire à quelque chose. S’il n’y avait pas de Dieu, si notre âme n’était pas immortelle, ce serait trop triste.

Elle resta quelque temps immobile, sous les draps d’ombre qui pendaient des voûtes, puis :

— Mon pauvre ami, nous ne savons que faire de cette vie si courte, et vous en voulez une autre qui ne finisse pas !

 

Dans la voiture qui les ramena, il dit gaiement qu’il avait passé une bonne journée. Il l’embrassa, content d’elle et de lui. Mais elle n’était pas gagnée par cette bonne humeur. C’était ce qui arrivait le plus souvent entre eux. Les derniers instants qu’ils passaient ensemble étaient gâtés pour elle par le pressentiment qu’il ne dirait pas