Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais vous, Thérèse !

— Moi, mon ami, je me tirerai d’affaire.

Le feu tombait. L’ombre s’épaississait entre eux. Elle dit avec un ton de rêverie et comme dans une attente :

— C’est vrai que ce n’est jamais bien prudent de laisser une femme seule.

Il s’approcha d’elle, cherchant son regard dans l’obscurité. Il lui prit la main.

— Vous m’aimez ?

— Oh ! Je vous assure que je n’en aime pas un autre… Mais…

— Que voulez-vous dire ?

— Rien. Je pense… je pense que nous sommes séparés tout l’été, que, l’hiver, vous vivez dans votre famille et chez vos amis la moitié du temps, et que, si l’on doit se voir si peu, ce n’est pas la peine de se voir du tout.

Il alluma les bougies. Son visage s’éclaira dur et franc. Il la regardait avec une confiance qui venait moins de la fatuité commune à tous les amants que d’un besoin de dignité régulière qui était en lui. Il croyait en elle par préjugé d’éducation forte et d’intelligence simple.

— Thérèse je vous aime, et vous m’aimez, je le sais. Pourquoi voulez-vous me tourmenter ? Vous avez parfois des sécheresses, des duretés vraiment pénibles.