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les petits boutiquiers à la piété ; ils fondèrent des associations de chevaliers qui prêtaient en leurs mains serment d’obéissance et recevaient un diplôme signé sur l’autel ; ils fondèrent l’œuvre électorale catholique qui, par la suite, prit le nom de Comité Justice-Égalité, et qui se donnait pour objet d’intervenir directement dans toutes les élections municipales, cantonales, législatives, présidentielles, et de triompher ainsi des mécréants comme les croisés du moyen-âge triomphèrent des musulmans. « Ils avaient, dit M. Waldeck-Rousseau, pour tenir le compte-courant des élections, une agence et un agent dans chaque commune. » Ils recueillaient « l’obole des nonnes pour la guerre sainte. » Les quatre vingt-seize cercles catholiques, l’œuvre de Notre-Dame des Armées, qui disposait d’un budget montant à un million et demi de francs, se réunirent à ces religieux.

Les républicains parlementaires qui n’avaient pas su se porter à temps entre leurs électeurs et les nationalistes et avaient laissé l’antisémitisme envahir l’opinion à l’aide des mensonges qu’ils avaient craint de combattre, regardaient, surpris, inquiets, cette entrée en campagne de l’armée noire. M. Léon Bourgeois, dans un discours prononcé à la Cham-