dans ces contrées que cherchaient mon désir et mon effroi. À certains moments, en certaines régions, je m’imaginais que quelques pas de plus en avant m’y amèneraient. Pour y entraîner Mélanie avec moi, j’employais la ruse ou la violence, et, quand la sainte créature prenait déjà le chemin du retour, je la rebroussais violemment vers des frontières mystérieuses, au risque de déchirer sa robe ; et comme elle ne comprenait rien à ma fureur sacrée, doutant de mon cœur et de mon esprit, elle levait au ciel des yeux pleins de larmes. Je ne pouvais cependant lui donner les raisons de ma conduite. Je ne pouvais pas lui crier : « Un pas encore et nous pénétrons dans l’empire innomé. » Hélas ! combien de fois depuis lors ai-je dû dévorer désespérément le secret de mon désir !
Certes, je ne traçais pas dans mon esprit la carte de l’Inconnu, je n’en savais pas la géographie, mais je croyais reconnaître quelques points où ce monde touchait au nôtre. Et ces confins supposés n’étaient pas tous très éloignés des lieux que j’habitais. Je ne sais à quoi je les reconnaissais, sinon à leur étrangeté, à leur charme inquiétant, à la curiosité