Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/144

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qui gronde au dehors, s’enfle, approche ; par les portes, défoncées à coups de crosse, hommes du peuple, étudiants, gardes nationaux s’engouffrent dans l’hémicycle en criant :

— Plus de Bourbons ! plus de roi ! la république !

Des coups de feu partent dans les couloirs. Et à travers les cris et les détonations, l’oreille épouvantée perçoit un bruit lointain, sourd, faible encore, et plus terrible, les vagues d’un océan humain qui battent les murs du palais. Bientôt un nouveau flot d’hommes fait irruption, dégorge cette fois par la tribune publique et submerge l’assemblée. Des bandes, armées de piques, de coutelas et de pistolets, poussent des cris de mort. Lamartine est à la tribune, soupçonné (bien faussement) de parler en faveur de la régence ; les canons des fusils et la pointe ensanglantée des sabres se tournent vers lui. Les députés épouvantés se précipitent vers les issues. La duchesse d’Orléans est emportée avec ses enfants par l’avalanche des fuyards, poussée vers la petite porte qui s’ouvre à gauche du bureau et jetée dans l’étroit couloir où, foulée, étouffée entre les députés qui se sauvent et le peuple qui accourt, écrasée contre