Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/145

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la muraille, séparée de ses enfants, elle tombe à demi évanouie au pied de l’escalier. Morin, qui se trouve alors dans le couloir, entend les cris d’un enfant et voit le petit comte de Paris renversé, piétiné. Il l’enlève dans ses bras, l’emporte à travers les salons et les vestibules et le passe par une fenêtre basse, ouverte sur le jardin, à un officier d’ordonnance qui cherchait ses princes. Cependant, la duchesse, réfugiée dans un salon de la Présidence, appelait à grands cris ses enfants. On lui remet le comte de Paris et on l’avertit que le duc de Chartres était en sûreté, déguisé en fille, sous les combles du palais.

Tel était le récit de M. Morin. Il le faisait souvent et le terminait par cette réflexion :

— La duchesse d’Orléans déploya en cette circonstance un courage inouï et une force de résistance dont peu d’hommes eussent été capables. Si elle avait eu dix-huit pouces de plus, son fils était roi. Mais elle était trop petite. On ne la voyait pas dans cette foule.

Ce qui montre le mieux le cas que mes parents faisaient des époux Morin, c’est qu’ils me laissaient en leur compagnie tant qu’il me plaisait, bien qu’ils se montrassent très sévères