sur le choix de mes fréquentations. Leur rigueur à cet égard m’était pénible. Il y avait, par exemple, à l’étage supérieur au nôtre, une madame Moser sur le compte de laquelle on chuchotait ; elle passait de longues journées dans son appartement meublé à la turque, seule, oisive, en robe de chambre rose, chaussée de babouches d’azur et d’or, et parfumée. Chaque fois que l’occasion se présentait, elle m’attirait chez elle pour se distraire. Étendue languissamment sur son divan, elle me prenait, en jouant, dans ses bras. Je rapporterais de bonne foi qu’elle me dressait en l’air sur la plante de ses pieds, comme un petit chien, si je ne réfléchissais que je n’étais pas assez mignon pour cela et que l’idée m’en fut probablement suggérée par la Gimblette de Fragonard, que je vis pour la première fois quand les beaux pieds de madame Moser reposaient déjà depuis plusieurs années dans les ombres éternelles ; mais il arrive que des souvenirs d’âges divers se superposent dans la mémoire, se fondent et composent un tableau. C’est de quoi je me défie dans ces récits qui ne sauraient avoir d’autre mérite que l’exactitude. Madame Moser me donnait
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