Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des dragées, me contait des histoires de brigands et me chantait des romances. Pour mon malheur, mes parents me défendaient de répondre aux avances de cette dame et me menaçaient de leur plus noir ressentiment si jamais je franchissais le seuil de l’appartement turc, plein de couleurs riantes et de suaves odeurs. Il m’était pareillement interdit de m’aventurer, sous les toits, dans l’atelier de M. Ménage. Mélanie donnait pour raison de cette défense que M. Ménage pendait des membres livides et des squelettes dans son atelier. Et ce n’étaient pas là, certes, les seuls griefs dont ma bonne chargeât son voisin le peintre. Elle se plaignit un jour à M. Danquin que cet affreux Ménage l’empêchait de dormir en faisant toute la nuit une musique enragée avec ses amis. Et mon parrain confia à la simple créature, dont il n’avait pas honte de se moquer, que ces artistes non seulement chantaient et dansaient toute la nuit, mais encore buvaient du punch enflammé dans des têtes de morts. Mélanie était trop honnête pour mettre en doute une parole de mon parrain. Le peintre d’ailleurs se noircit aux yeux de la respectable servante d’une action