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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/150

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madame Morin était égale, mesurée et monotone, médiocre. Elle me pénétrait comme une pluie fine, j’en étais transi. Madame Morin ne quittait guère sa loge, pratiquée au bord de la porte cochère, étroite, basse, humide et n’ayant de considérable que le lit, si bien garni de paillasses, de matelas, de couvertures, de courtepointes, de traversins, d’oreillers, d’édredons qu’il me semblait incroyable qu’on pût y coucher sans être aussitôt étouffé. Je supposai que monsieur et madame Morin, qui y dormaient toutes les nuits, devaient leur salut miraculeux au rameau de buis, qui, piqué sous la croix d’un bénitier de porcelaine, surmontait cette couche homicide. Une couronne de fleurs d’oranger, posée sous un globe, ornait la commode de noyer. Sur la cheminée de marbre noir une pendule, pareillement sous globe, à la fois turque et gothique, servait de base à un groupe doré représentant, comme me l’apprit madame Morin, « Mathilde engageant sa foi à Malek-Adhel, au milieu de l’ouragan du désert ». Je n’en demandais pas davantage, non que je ne fusse un petit garçon questionneur et curieux, mais cette histoire inexpliquée me charmait par son mystère. Je ne l’ai pas beau-