Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/192

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bler de reproches l’inerte Gomboust. Je sentis un coup au cœur quand elle lui dit :

— Monsieur, vous nous avez trompés ; vous n’êtes pas un honnête homme.

Après un long silence, Gomboust répondit d’une voix tremblante, que l’émotion rendait plus mélodieuse encore que de coutume. Je ne comprenais pas ce qu’il disait. Il parla longtemps. Ma mère l’écoutait sans l’interrompre, et j’observai de ma cachette son visage qui se calmait, son regard qui s’adoucissait. Elle subissait le charme. Le lendemain, à déjeuner, mon père lui tendit un papier qu’elle parcourut des yeux et lui rendit en s’écriant :

— C’est une nouvelle infamie de Gomboust.

Encore aujourd’hui, je ne sais pas grand’chose de la société des eaux de Saint-Firmin, n’ayant pas eu la curiosité de lire le dossier concernant cette affaire, que j’ai trouvé dans la succession de mon père et qui m’a été volé avec tous mes papiers de famille. Mais j’ai tout lieu de croire que ma mère ne faisait point tort à Gomboust en le jugeant avare, cupide et sans scrupules, enfin un malhonnête homme, et c’est aujourd’hui pour moi un sujet de surprise que ce malheureux aux trois quarts