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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/200

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vages de l’Amérique se nourrissent de perroquets.

— La chair de cet oiseau, objecta mon parrain, doit être noire et coriace. Je n’ai pas ouï dire qu’elle fût comestible.

— Quoi, Danquin, fit mon père, ne vous souvient-il pas que la princesse de Joinville, nouvellement amenée de ses pampas aux Tuileries, se trouvant enrhumée, refusa un bouillon de poulet et demanda un bouillon de perroquet ?

Mon père, hostile à la monarchie de juillet et gardant encore après la révolution de 48 quelque animosité contre la famille de Louis-Philippe, jeta ce trait avec malice, en regardant ma mère, sujette à s’attendrir sur le sort des princesses exilées.

— Pauvres princesses ! soupira-t-elle, elles payent bien cher les honneurs publics qu’on leur rend.

Tout à coup, découvrant le perroquet dans sa gouttière, j’en poussai un cri de triomphe si sauvage que ma mère s’en effraya d’abord et m’en réprimanda ensuite.

— Là ! là ! là, maman !

Et je m’emportais contre ceux qui ne le voyaient pas.