haut des nuées dans une enceinte inconnue où se dressaient des façades de pierre sculptée ; et je vis une multitude d’hommes nus, énormes, effrayants, suspendus dans un ciel sans lumière. Les uns y soutenaient le poids de leur puissante structure, les autres, par groupes, descendaient désespérément vers la rive sombre où des démons hideux les attendaient. Cette vision me remplit d’une sainte épouvante ; mes yeux se voilèrent, mes jambes fléchirent. Voilà les faits tels qu’ils frappèrent mes sens et mon esprit et tels qu’ils demeurent imprimés dans ma mémoire : j’en porte un témoignage fidèle. Toutefois, s’il faut les soumettre aux règles d’une critique sévère, je dirai que vraisemblablement nous avons, Simon de Nantua et moi, avec une étourdissante rapidité, descendu l’escalier, suivi le quai, pris la rue Bonaparte et atteint l’École des Beaux-Arts où je vis, par une porte entr’ouverte, une copie du Jugement Dernier de Michel-Ange peinte par Sigalon. Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle est vraisemblable. Sans nous prononcer plus affirmativement sur ce point, poursuivons notre récit. Je ne contemplai qu’un instant les colosses flottants et me trouvai dans une cour spacieuse au côté de
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