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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/227

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une redingote verte, à boutons d’or, une culotte nankin et des bottes vernies, conduire une charrette anglaise à deux roues, digne sujet d’un crayon de Carle Vernet. Fréquentant avec des Cydalises le Bœuf à la Mode et le Rocher de Cancale et passant les nuits dans les tripots, il dévora en quelques années les champs, les prés, les bois et le moulin de sa femme. Ayant mis la pauvre amoureuse sur la paille, il la quitta pour mener une vie d’aventures, en compagnie d’un ancien maître de postes nommé Huguet, mince, bref, bancal, mal peigné, dont il faisait, selon le besoin, son domestique, son associé ou même son patron quand on y courait des risques. Huguet, qui était un fripon et avait dupé tout le monde, se montrait, à l’égard d’Hyacinthe, le plus fidèle, le plus généreux, le plus noble des amis. Huguet, royaliste, un peu chauffeur, disait-on, et qui avait porté la Terreur Blanche dans l’Aveyron, dont il était originaire, se fit bonapartiste par dévouement à son cher Hyacinthe, qui était bonapartiste par profession. Hyacinthe en portait le costume : longue redingote boutonnée sous le menton, bouquet de violettes à la boutonnière, gourdin à la main. Sur le boulevard