Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/240

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dommage que le souvenir d’une belle action se perde.

À cette parole, le vieux M. Dubois qui, durant la conversation, n’avait pas cessé de jouer avec sa tabatière, tourna vers ma mère son grand visage calme.

— Ne vous hâtez point d’accuser le sort d’injustice, madame Nozière. Tous ces beaux traits, tous ces grands mots ne sont que fables et vaines rumeurs. Quand on ne saurait rapporter exactement ce qui a été dit et fait dans une assemblée attentive et tranquille, y a-t-il apparence, chère madame, qu’on puisse recueillir un geste ou une parole dans le tumulte d’un combat ? Que vos deux historiettes, messieurs, soient imaginaires et ne reposent sur rien de réel, peu m’importe, mais elles sont conçues sans naturel et sans art, sans la belle simplicité qui seule traverse les âges. C’est pourquoi il faut les laisser dans les almanachs où elles moisissent. La vérité historique n’a rien à voir dans ces beaux exemples d’héroïsme qui volent de siècle en siècle sur les lèvres des hommes : ils relèvent uniquement de l’art et de la poésie. Je ne sais si le jeune Bara, à qui les Chouans promirent la vie