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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/260

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tinct, beaucoup plus précieux que l’intelligence, car, sans lui, ni le ciron ni l’homme ne pourraient subsister un moment.

Je crois avec La Fontaine, meilleur philosophe que Descartes, que les animaux, surtout à l’état de nature, sont ingénieux et pleins d’art. En les domestiquant, nous apetissons, nous dépravons leur cœur et leur esprit. Quelle pensée subsisterait dans des hommes réduits à l’état où nous réduisons les chiens, les chevaux, sans parler des bêtes de la basse-cour ? « Lorsque Zeus fait tomber un homme en esclavage, il lui ôte la moitié de sa vertu. »

Enfin, domestiques ou sauvages, les animaux du ciel, de la terre et des eaux, unissent, comme nous, dans leur âme profonde, à l’instinct qui est sûr, l’intelligence qui égare. Ainsi que les hommes, ils sont sujets à l’erreur. Caire se trompait quelquefois.

Il aimait tendrement Zerbin, le caniche de M. Caumont le libraire. Et Zerbin, né honnête et bon, aimait Caire avec encore plus de tendresse. Ils étaient tout l’un pour l’autre ; le mauvais renom de Caire avait rejailli sur Zerbin, que l’on n’appelait plus Zerbin, mais