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Bertrand, du nom du compagnon de Robert Macaire. Caire débaucha Zerbin et en fit en peu de temps un mauvais sujet. Quand ils pouvaient s’échapper, ils couraient ensemble, Dieu sait où, et revenaient crottés, boiteux, fourbus, parfois l’oreille déchirée, l’œil émerillonné, ravis.

M. Caumont défendait à son caniche de fréquenter notre chien. Mélanie, pour éviter les humiliations et les reproches, tenait la main à ce que Caire ne recherchât pas un voisin de meilleure naissance et de meilleure mine que lui. Mais l’amitié est ingénieuse et se rit des obstacles. En dépit de la surveillance et des verrous, ils trouvaient mille moyens de se joindre. Posté sur le rebord de la fenêtre de la salle à manger qui donnait sur la cour, Caire épiait le moment où son ami sortirait de la librairie. Bertrand se montrait dans la cour et levait des yeux pleins de douceur vers la fenêtre d’où Caire le regardait affectueusement.

Quelques soins qu’on prît, au bout de cinq minutes ils étaient réunis. Et c’étaient des jeux sans fin et des promenades mystérieuses. Mais, un jour, Bertrand, à son heure accoutumée,