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ensuite d’un petit orphelin que M. Bouilly représente sous les traits les plus charmants. Il était bien malheureux, sans gîte et demi-nu. Un vieux savant le recueillit et le fit travailler dans sa bibliothèque ; il lui donnait ses vieux habits bien chauds, qu’on rajustait un peu. Voilà le trait qui me frappa le plus ! Je ne souhaitai rien tant que d’être vêtu, comme le petit orphelin de Bouilly, de vieux habits d’homme. J’en demandai à mon père, j’en demandai à mon parrain, mais ils se moquaient de moi. Un jour, étant seul dans l’appartement, j’avisai, au fond d’une armoire, une redingote qui me parut assez vieille. Je la passai et m’allai voir dans la glace. Elle traînait à terre et les manches me couvraient les mains. Jusque-là, le mal n’était pas grand. Mais je crois que, pour me conformer à l’histoire, je fis quelques retouches à la redingote, avec des ciseaux. Ces retouches me mirent sur les bras une bien mauvaise affaire. Ma tante Chausson me prêta gratuitement à cette occasion des instincts pervers. Ma chère maman me reprocha ce qu’elle appelait improprement mes singeries malfaisantes. On ne me comprenait pas. Je voulais me faire tour à tour gendarme selon