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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/284

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maire où elle craignait de s’égarer. Seule cette chère maman, en sa bienveillance, m’accordait de l’esprit ; aux yeux de toutes les autres personnes, y compris mon père et ma bonne, je passais pour un enfant assez borné, bien que j’eusse une certaine intelligence, mais qui différait de celle des autres enfants. Elle était plus spéculative et, s’attachant à des objets plus divers et plus variés, semblait moins sûre et moins ramassée. Mes parents me trouvaient un peu jeune et trop délicat de santé pour m’envoyer en pension, et ils jugeaient avec raison les petites écoles du quartier malpropres et désordonnées. Mon père était revenu très mal édifié notamment de ce qu’il avait vu dans une institution de la rue des Marais-Saint-Germain, où, au fond d’une salle noire d’encre et de poussière, sordide et puante, un magister apoplectique, étouffant de graisse et de fureur, tenait agenouillés au pied de sa chaire une douzaine d’enfants, coiffés du bonnet d’âne, et menaçait de ses verges le reste de la classe, trente petits polissons qui, riant, pleurant, hurlant tous à la fois, se jetaient à la tête leurs encriers, leurs paniers et leurs livres.

En ces conjonctures, ma mère forma le