projet de me donner pour institutrice mademoiselle Mérelle, mademoiselle Pauline Mérelle elle-même. L’entreprise était grande et difficile. Mademoiselle Mérelle ne donnait des leçons que chez les princes ou les bourgeois cousus d’or ; elle ne fréquentait que dans les familles riches ou nobles. Elle était la protégée de ce vieux Bellaguet, notre propriétaire, ce riche financier qui avait marié ses filles à des Villeragues et à des Monsaigle, et l’on doutait qu’elle consentît à instruire l’enfant d’un très petit médecin de quartier. Car mon père était pauvre, et la répugnance qu’il éprouvait à recevoir des honoraires n’était pas pour l’enrichir. Sans compter que, méditatif et contemplatif de son naturel, il passait à réfléchir sur la destinée de l’homme un temps qu’avec moins de génie, il eût employé au soin de sa fortune. Enfin le docteur Nozière n’était riche que d’idées et de sentiments. Ma mère, qui néanmoins voulait me procurer les leçons de mademoiselle Mérelle, lui fit parler par madame Montet, caissière au Petit-Saint-Thomas, à laquelle mon père donnait ses soins et qui passait pour une amie intime de madame Mérelle mère. Celle-ci, veuve pieuse, portait un éternel
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