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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/300

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yeux brouillés. Elle nous sourit et sa langue se délia :

— C’est-il Dieu possible que vous voilà, madame Nozière ? Vous n’avez pas changé. Comme votre petit Pierre a grandi ! Il ne se ressemble plus… Le cher enfant, il nous pousse dans l’autre monde.

Elle s’enquit de mon père qui était bien bel homme et pitoyable au pauvre monde ; de ma tante Chausson qui ramassait les épingles qu’elle trouvait à terre, louable en cela, car il ne faut rien laisser perdre ; de la bonne madame Laroque, qui me taillait des tartines de confitures, et de son perroquet Navarin qui m’avait, un jour, mordu le doigt jusqu’au sang. Elle demanda si M. Danquin, mon parrain, aimait toujours autant les truites au bleu, et si madame Caumont avait marié sa fille aînée. Tout en questionnant ainsi, sans attendre les réponses, la bonne Mélanie avait repris son ouvrage.

— Qu’est-ce que vous faites là, Mélanie ? demanda ma mère.

— Un jupon de laine pour ma nièce.

La nièce dit tout haut, en haussant les épaules :

— Elle laisse tomber des mailles qu’elle ne