Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/301

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relève pas. Son lé va s’apetissant. C’est de la laine perdue.

M. Denizot, ayant déposé ses sabots, entra et salua la compagnie.

— Madame Nozière, dit-il, vous pouvez vous assurer que la vieille ne manque de rien.

— Elle nous coûte assez cher, ajouta madame Denizot.

Je la regardais tricoter son jupon, un peu contristé pour elle que ce fût de la laine perdue. Elle n’avait qu’un verre à ses lunettes ; encore était-il brisé en trois morceaux, ce dont elle ne semblait prendre aucun souci.

Nous causâmes comme de bons amis, mais nous n’avions pas grand’chose à nous dire. Elle abondait en maximes et m’enseignait qu’on doit respecter ses père et mère, ne jamais perdre un morceau de pain et acquérir du savoir pour remplir ensuite son état. Cela m’ennuyait. Donnant un autre tour à la conversation, je lui appris que l’éléphant était mort, et qu’il était venu un rhinocéros au Jardin des Plantes

Alors, elle se mit à rire et me dit :

— Je ris en pensant à madame de Sainte-Lucie, chez qui, sur mon jeune âge, j’étais en