Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/326

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raison, ne lui parut pas mériter de réponse. Il continua ses petites envolées avec sérénité. Je le pressai une deuxième fois et sans grâce d’ôter sa casquette.

Surpris de mon insistance :

— Pourquoi ? demanda-t-il doucement.

— Parce qu’elle est laide.

Il crut que je plaisantais et se tint néanmoins sur ses gardes et, quand j’essayai de la lui arracher, il repoussa ma tentative et raffermit sa casquette sur sa tête d’une main prudente et soigneuse, car il aimait sa casquette et la trouvait belle. Je tentai deux fois encore de m’emparer de l’odieuse coiffure. À chaque fois, il l’enfonçait plus profondément sur sa tête et la rendait plus odieuse encore. Dépité, j’interrompis mes attaques, non sans arrière-pensée. Son joli visage, empreint d’une surprise douloureuse, reprit vite son air naturel de paisible innocence. Que n’ai-je été touché par la pureté de son regard confiant ? Mais un esprit de violence était en moi. J’observai attentivement mon ami et soudain, d’un geste rapide, je saisis la casquette et la lançai par-dessus le mur dans le parc de Louis-Philippe.

Clément ne prononça pas une parole, ne