Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/327

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

poussa pas un cri. Il me regarda d’un air de surprise et de reproche qui me fendit le cœur ; et ses yeux brillaient de larmes. Je demeurais stupide, ne pouvant croire que j’avais accompli un acte si criminel et je cherchais encore sur la tête ailée et bouclée de Clément la casquette fatale. Elle n’y était plus, elle n’y pouvait revenir. Le mur était très haut, le parc vaste et solitaire. Le soleil descendait à l’horizon. De peur que Clément ne prît froid ou plutôt dans le trouble que me causait la vue de sa tête nue, je le couvris de mon chapeau tyrolien qui lui cachait les yeux et lui rabattait tristement les oreilles. Et nous regagnâmes en silence la maison Sibille. On devine comment j’y fus accueilli.

Mes parents ne me ramenèrent plus chez leurs amis de Neuilly. Je ne revis plus Clément. Le pauvre petit disparut bientôt de ce monde. Ses ailes de papillon grandirent et, quand elles furent assez fortes pour le porter, il s’envola. Sa mère désolée essaya, en vain, de le suivre. Métamorphosée en chatte par la faveur du ciel, elle le guette en miaulant sur les toits.